Laurent Sébastien Fournier (anthropologue, Aix-Marseille Université) et Gilles Raveneau (anthropologue, Université Lumière - Lyon 2)
Enfant jouant au football, Égypte du Sud © Ahmed Emad Hamdy
Cet article constitue le texte introductif d’un dossier thématique intitulé « Les cultures sportives au regard de la globalisation », publié en 2010 dans le Journal des anthropologues (n°120-121). Ses auteurs, Laurent Sébastien Fournier et Gilles Raveneau, y analysent la manière dont la globalisation influence les pratiques sportives, ainsi que les transformations sociales et culturelles qui en résultent. Le dossier que ce texte introduit réunit des études de cas portant, entre autres, sur la mondialisation du sport, les adaptations locales, son impact sur les individus, les sociétés et les territoires.
La globalisation est définie comme un processus multidimensionnel incluant des aspects économiques, culturels et sociaux, qui aboutit à une interconnexion croissante entre les différentes parties du monde. Dans le contexte des sports, cette interconnexion se manifeste par la diffusion des pratiques sportives à l'échelle mondiale, l'homogénéisation de certaines cultures sportives et l'émergence de nouvelles formes de consommation et de participation sportives.
L'un des impacts les plus significatifs de la globalisation est la diffusion des sports occidentaux, tels que le football, le basketball et le tennis, à l'échelle mondiale. Ces sports, souvent propagés par les médias de masse et les grandes compétitions internationales, deviennent des éléments culturels centraux dans de nombreux pays. Leur marchandisation et leur médiatisation modifient la manière dont ils sont pratiqués et perçus : les athlètes deviennent des célébrités mondiales, et les événements sportifs sont transformés en spectacles de divertissement globalisés. Ce phénomène conduit certes à une augmentation des investissements dans les infrastructures sportives, les équipements et les programmes de formation, mais il peut également exacerber les inégalités économiques et sociales entre les pays et au sein des communautés locales.
La globalisation des sports peut également entraîner de profondes transformations des identités culturelles localement. L'adoption de sports étrangers peut coexister avec des pratiques sportives traditionnelles, créant ainsi des hybrides culturels uniques. Par exemple, dans certains pays africains, le football coexiste avec des sports traditionnels comme la lutte sénégalaise, chacun ayant une signification culturelle et sociale distincte. Certaines communautés cherchent, elles, à préserver leurs traditions sportives tout en intégrant les nouveaux éléments apportés par la globalisation. Par exemple, en Inde, le cricket, sport hérité de la période coloniale britannique, a été profondément intégré dans la culture locale où il coexiste avec des sports traditionnels comme le kabaddi.
L'approche anthropologique adoptée à travers ce dossier et les articles qui le composent révèle que cette complexité de la relation entre sport et identité locale est d’autant plus visible dans des contextes globalisés. Parmi les thématiques traitées, on peut notamment mentionner : l'impact de la colonisation sur les pratiques sportives (voir l'article de Pierre Bouvier), les limites de diffusion de certains sports comme le rugby et la corrida (voir l'article de Jean-Pierre Augustin et Jean-Baptiste Maudet), ou encore la déclinaison des techniques et tactiques du corps au judo, selon qu'il est pratiqué au Japon ou en France (voir l'article de Michaël Hilpron et Céline Rosselin). Ces études de cas montrent que le sport peut à la fois renforcer les identités locales et créer des "communautés imaginées" globales, permettant de questionner la représentation d’une mondialisation sportive uniformisée et d’une globalisation homogène.
En somme, les sports ne sont pas seulement des activités physiques, mais aussi des vecteurs de changement social et culturel qui reflètent et influencent les dynamiques mondiales. Leur globalisation est un processus complexe et multidimensionnel qui entraîne à la fois l'uniformisation et la diversification des cultures sportives. Les dynamiques locales et globales interagissent de manière dialectique, produisant des résultats variés selon les contextes spécifiques. L'approche anthropologique permet de mieux comprendre ces processus en mettant en avant les expériences des acteurs locaux.
Synthèse proposée par l'équipe LaCAS et validée par les auteurs.
Article complet
L'anthropologie s'est intéressée très tôt aux jeux populaires, aux compétitions traditionnelles et aux exercices physiques, mais n'a que récemment pris pour objet d'étude les sports et leur évolution spectaculaire à travers le monde. Outre l…