Zoé Perron, Julia Buzaud, Kevin Diter et Claude Martin
Cet article, paru en 2019 dans la Revue des politiques sociales et familiales (nº131-132), explore la notion du bien-être, à partir de la diversité des définitions qui en sont données et des débats qui entourent sa conceptualisation, ainsi que les différents outils de mesure utilisés dans les recherches contemporaines.
Le terme de bien-être, bien qu'intuitif, est difficile à définir. Il englobe des aspects physiques, mentaux et matériels, mais ses frontières avec des notions comme le bonheur, la satisfaction ou la qualité de vie restent floues. La question se pose de savoir si le bien-être est un état purement subjectif ou s'il peut être objectivé par des indicateurs mesurables tels que les conditions de vie ou la santé. Ce concept fait l'objet de tensions : doit-il être analysé à l'échelle individuelle ou collective, ou encore sous une perspective subjective ou objective ?
Le bien-être est étudié sous de multiples angles disciplinaires, notamment en psychologie, sociologie, économie et philosophie. Historiquement, des philosophes comme Aristote et Kant ont abordé la question du bonheur et de la « bonne vie ». Depuis le début du XXe siècle, le bien-être est devenu un objet d'enquête empirique. L’article présente les approches de plusieurs chercheurs à travers le monde : le sociologue finlandais Erik Allardt définit le bien-être comme la satisfaction des besoins, le distinguant du bonheur et de la qualité de vie. Sten Johansson ajoute que le bien-être collectif découle d'une participation active des citoyens dans la société, alors que le bonheur relève de la sphère privée. D'autres chercheurs, comme Campbell, considèrent que le bien-être implique une satisfaction cognitive, tandis que le bonheur est une expérience émotionnelle plus volatile. Jan Delhey évoque la « qualité de vie subjective », reliant le bien-être à l'ensemble des choix et opportunités dans un contexte social donné. Le bien-être est ainsi vu comme un agrégat complexe, incluant confort matériel, soutien social et reconnaissance collective. En somme, le bien-être est souvent vu comme une combinaison complexe de plusieurs éléments : confort matériel, santé, relations sociales, et sentiment de sécurité.
Un des principaux débats dans l'étude du bien-être réside dans la distinction entre ses dimensions objectives et subjectives. Le bien-être objectif fait référence aux conditions de vie mesurables (revenu, santé, éducation), tandis que le bien-être subjectif se concentre sur les perceptions individuelles de bonheur et de satisfaction. L'article rappelle que le bien-être ne peut pas être uniquement mesuré par des indicateurs économiques comme le PIB, car ces indicateurs ignorent les aspects non marchands de la vie, tels que les relations sociales ou la satisfaction personnelle.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a joué un rôle prépondérant en intégrant la dimension subjective dans sa définition de la santé et du bien-être. Selon elle, le bien-être est une combinaison de dimensions physiques, mentales et sociales, et non seulement l'absence de maladie. De même, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) reconnaît l'importance du bien-être subjectif, affirmant que des citoyens plus heureux sont plus productifs. Cette reconnaissance de la dimension subjective souligne l'évolution des approches de la mesure du bien-être, qui intègrent désormais à la fois des indicateurs économiques et des évaluations individuelles.
L'OMS, l'ONU et l'OCDE ont toutes proposé des définitions et des indicateurs du bien-être en fonction de leurs champs d'expertise. L'OMS, dès 1946, a inclus le bien-être dans sa définition de la santé, considérant qu'une bonne santé est une condition préalable au bien-être global. De même, l'ONU a déclaré le 20 mars comme « Journée internationale du bonheur », soulignant que les politiques publiques doivent intégrer des objectifs de bien-être au-delà des simples indicateurs économiques.
L'OCDE, quant à elle, insiste sur la dimension économique, tout en reconnaissant que la richesse ne suffit pas à elle seule à garantir un bien-être durable. Les politiques publiques doivent ainsi combiner des indicateurs économiques avec des mesures du bien-être social et environnemental. L'article cite à cet égard l'exemple du Bhoutan qui a mis en place l'indicateur de Bonheur National Brut (BNB) dans les années 1970, une initiative qui illustre l'importance de considérer le bien-être dans un cadre national.
L'article « Les approches du bien-être » met ainsi en lumière la complexité et la richesse des recherches sur le bien-être, un concept multidimensionnel qui implique à la fois des dimensions objectives et subjectives. Bien qu'il soit difficile de s'accorder sur une définition univoque, il est clair que le bien-être ne peut être réduit à des indicateurs économiques. La reconnaissance des dimensions subjectives et l'intégration des perspectives sociétales et internationales enrichissent notre compréhension de ce concept. Enfin, les recherches montrent que les politiques publiques qui prennent en compte le bien-être global des individus sont essentielles pour créer des sociétés plus heureuses et plus équitables.
Synthèse proposée par l'équipe LaCAS et validée par les auteur·ices
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La définition du bien-être semble aller de soi, et là réside sans doute la première difficulté. Les définitions proposées par les différents dictionnaires distinguent trois types de bien-être : il s’agirait d’un «état agréable résultant de la…