Aller au contenu principal

Les favelas à l’ombre des méga-événements sportifs internationaux, confrontation d’un nouveau type : les cas de Rio de Janeiro et Curitiba au Brésil

Caroline Chabot, sociologue, PAVE (équipe du Centre Émile Durkheim)

 

Image
favelas

Vue du stade du Maracanã de Rio de Janeiro depuis la favela Mangueira © Andrej Isakovic/AFP

 

Cette thèse, soutenue en 2018 par Caroline Chabot, examine l'interaction entre les favelas et les méga-événements sportifs au Brésil, en se concentrant principalement sur Rio de Janeiro et Curitiba, hôtes de la Coupe du Monde de football en 2014 et des Jeux Olympiques en 2016. Caroline Chabot explore comment ces événements influencent les dynamiques urbaines et sociales, en mettant en lumière les contradictions et les transformations induites par ces manifestations sportives majeures.

Si les méga-événements sportifs sont des moteurs de transformation urbaine, ils révèlent également des inégalités sociales profondes. À Rio de Janeiro et Curitiba, où respectivement 22% et 9% de la population habite dans des favelas, la confrontation spatiale entre les deux phénomènes est inévitable.  

Caroline Chabot explore les favelas en tant que phénomène socio-spatial, qu’elle définit comme des zones urbaines caractérisées par des habitations précaires, une forte densité de population et un accès limité aux services publics essentiels. Les politiques publiques ont souvent échoué à intégrer ces zones dans le tissu urbain formel. Associées à la pauvreté, la violence et l'illégalité, les favelas constituent pourtant une riche mosaïque de cultures, d'histoires et de modes de vie, où s’est développée une solidarité communautaire unique. Souvent invisibilisés dans les discours publics, ces espaces jouent un rôle central dans les résistances face aux politiques d'éviction et de gentrification.

L'autrice montre que, lors de méga-événements sportifs, les favelas sont traitées différemment en fonction de leur singularité socio-culturelle et de leur visibilité par rapport aux sites sportifs. Elle identifie cinq types de transformations liées à ces événements : la favela évincée, la favela mondialisée, la favela trophée, la favela intégrée et la favela ordinaire. 

À Rio de Janeiro, la favela Vila Autodromo doit laisser place au Parc Olympique voisin. Pour la favela Vidigal, inversement, sa localisation dans la zone la plus touristique de Rio de Janeiro la place au centre de l’effervescence. À travers une mise en tourisme du lieu par la population locale et un intense processus de gentrification, Vidigal se mondialise de façon accélérée. À Morro da Providência, la confrontation avec les méga-événements contribue à faire d’elle un trophée. Berceau de la samba et du carnaval, des éléments chers à la culture brésilienne, elle subit une patrimonialisation sélective de son architecture. Des habitations situées en zone à risque environnemental laissent place à un téléphérique pour mener les visiteurs jusqu’à son sommet ainsi qu’un projet de musées racontant l’histoire de la favela. À Curitiba, la favela Vila Torres s’intègre aux mailles de la ville grâce à sa situation le long de l’avenue qui relie l’aéroport international au stade accueillant le Mondial 2014. Enfin, à Vila Parolin, à l’écart du méga-événement et des axes touristiques, la confrontation n’a pas d’effets.

Plus que des catalyseurs urbains, les méga-événements sportifs internationaux sont dans les favelas des accélérateurs de processus urbains déjà engagés : la gentrification déjà enclenchée à Vidigal connait une dynamique accrue ; à Morro da Providencia, le début de muséification s’accélère brusquement ; l’intégration de Vila Torres est accélérée lors de la réception du Mondial 2014 ; et l’expulsion de Vila Autodromo, de nombreuses fois annoncée avant la réception des JO 2016, est mise à exécution dans le contexte événementiel.

 

Pour étudier ces transformations éclairs, l’autrice met l'accent sur les politiques d'éviction des populations les plus pauvres et la gentrification des quartiers. Les exemples de Rio de Janeiro et de Curitiba montrent des approches contrastées : à Rio, les expulsions de masse ont été justifiées par des raisons de sécurité et d'urgence, tandis qu'à Curitiba, les relogements ont été plus inclusifs et concertés. Ces dynamiques révèlent les limites des politiques publiques face aux réalités sociales des favelas.

 

Caroline Chabot conclut que l'accueil de méga-événements sportifs dans les pays en développement, et en particulier au Brésil, a des effets ambivalents. Perçus comme des opportunités pour le développement urbain et économique, ils exacerbent souvent les inégalités sociales et entraînent des coûts sociaux considérables. Les processus d'éviction et de gentrification liés à ces événements soulignent la difficulté de concilier les objectifs de rayonnement international avec les besoins des populations locales défavorisées. Le cas brésilien illustre la façon dont les méga-événements peuvent renforcer les dynamiques d'exclusion sociale et de transformation urbaine, tout en offrant des opportunités de modernisation et de développement économique​.

 

Synthèse proposée par l'équipe LaCAS et validée par l'autrice.

 

Thèse complète

Requête

The favelas in the shadow of worldwide sporting mega-events, a new type of confrontation. : Rio de Janeiro and Curitiba cases (Brazil)

La persistance des bidonvilles en milieu urbain est un phénomène présent à l’échelle du globe et particulièrement dans les pays émergents. Elle s’affirme comme un enjeu majeur illustrant aussi bien les inégalités sociales, politiques et…

Contributeur(s): Chabot, Caroline

 

Aller au début de la page.